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Ni Rabut ni Bernard, qui se s'aiment pas beaucoup, ne peuvent dormir lors de cette veillée d'armes. Ils voient chacun de leur côté resurgir leur passé commun : la mort de Reine, sœur de Bernard, qui a été odieux avec elle alors qu'elle agonisait, mais surtout la guerre d'Algérie, qu'ils ont faite ensemble durant leurs 28 mois de service, entre 1960 et 1962. Au départ, ils sont dans une région calme et souffrent surtout de l'ennui. Mais la situation se tend peu à peu. Aux exactions des rebelles, qui se battent pour l'indépendance de leur pays, répondent les massacres et les viols des soldats français, dont beaucoup sont sûrs « qu'ici c'est la France » et que le droit est de leur côté. Entre eux, les harkis, rejetés par les rebelles comme traîtres, et par les Français par racisme. Lors d'une permission à Alger, une altercation entre Rabut et Bernard, notamment à propos de la mort de Reine, dégénère et Rabut est assez gravement blessé. Le lieutenant décide de différer le retour à la base pour les attendre, mais à leur arrivée, ils découvrent que tous ceux qui n'étaient pas en permission ont été massacrés, civils compris, suite à la trahison d'un harki qui a fait entrer les fellagas. Des deux côtés, des hommes ont été capables du pire. Rabut, Bernard et les autres ressortent broyés par cette expérience.
 
Ni Rabut ni Bernard, qui se s'aiment pas beaucoup, ne peuvent dormir lors de cette veillée d'armes. Ils voient chacun de leur côté resurgir leur passé commun : la mort de Reine, sœur de Bernard, qui a été odieux avec elle alors qu'elle agonisait, mais surtout la guerre d'Algérie, qu'ils ont faite ensemble durant leurs 28 mois de service, entre 1960 et 1962. Au départ, ils sont dans une région calme et souffrent surtout de l'ennui. Mais la situation se tend peu à peu. Aux exactions des rebelles, qui se battent pour l'indépendance de leur pays, répondent les massacres et les viols des soldats français, dont beaucoup sont sûrs « qu'ici c'est la France » et que le droit est de leur côté. Entre eux, les harkis, rejetés par les rebelles comme traîtres, et par les Français par racisme. Lors d'une permission à Alger, une altercation entre Rabut et Bernard, notamment à propos de la mort de Reine, dégénère et Rabut est assez gravement blessé. Le lieutenant décide de différer le retour à la base pour les attendre, mais à leur arrivée, ils découvrent que tous ceux qui n'étaient pas en permission ont été massacrés, civils compris, suite à la trahison d'un harki qui a fait entrer les fellagas. Des deux côtés, des hommes ont été capables du pire. Rabut, Bernard et les autres ressortent broyés par cette expérience.
   
Bernard attend avec son fusil. Rabut décide de ne pas participer à l'expédition parce qu'il ne supporte plus ce qu'est devenu Bernard.
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Bernard attend avec son fusil. Rabut décide de ne pas participer à l'expédition parce qu'il ne supporte plus ce qu'est devenu Bernard.
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L' histoire de la guerre d’Algérie (1954/ 1962) en train de sortir des mémoires vivantes de nos concitoyens, comme les guerres précédentes (1914/ 18 ou 1939/ 45). Certes les scènes de la guerre, atroce, ne sont plus dans la mémoire directe que d’une poignée de nos concitoyens Mais le livre, comme le film, parle essentiellement des souvenirs gravés, enfouis, dans la tête du héros et de ses proches, comme dans [http://nezumi.dumousseau.free.fr/resnfilmo2.htm#muriel Muriel] d'Alain Resnais Personne n’a presque jamais parlé de rien.
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Ce qui importe ici, c’est de dire ce que fut la vie de toute une classe d’âges, les garçons français nés entre 1928 et 1943 (« rappelés », « appelés », « engagés volontaires »… sans oublier ceux qui avaient la chance de ne pas « y aller » ou craignaient d’y aller bientôt). Et parmi les garçons de ces âges, certains étaient des « sujet français de confession musulmane », futurs citoyens algériens, confrontés aux mêmes peurs (être enrôlés dans l’armée française, déserter, être enrôlés par le FLN ou le MNA).
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Peu de jeunes Français doutaient alors de ce que le service militaire soit un passage obligé pour devenir un homme. Ce « service » particulier, dans la violence et la peur, était aussi la découverte des Autres : les notables musulmans, anciens de Verdun, ou les filles pieds-noires. Ou tout simplement dormir avec vue sur la baie d’Alger, avec sa chambre à soi pour la première fois de sa vie.
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Ces jeunes hommes n’ont pas dit ce qu’était leur « guerre » sur le moment, mais pas plus pendant de longues décennies. Plusieurs raisons à cela : sur le moment, ils sont tous reliés au monde « normal » quotidiennement, parce qu’ils ont une radio transistor, si bien qu’ils sentent particulièrement clairement que le monde de la peur où ils vivent est « anormal ». Dans les décennies suivantes, où l’obligation du service militaire se transforme complètement pour disparaître ensuite, comment dire aux cadets, puis aux enfants qui sont « coopérants » ou « objos » s’ils veulent éviter le « service », que eux « appelés » n’avaient pas d’alternative imaginable, sauf à déserter ? Comment parler de « ma guerre » (que j’ai perdue et non gagnée) à des anciens qui « ont gagnée » leurs guerres ou à des jeunes qui vivent dans un monde où la guerre a disparu ?
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Le livre est beaucoup plus dur que le film, parce que le récit haché donne beaucoup plus de détails insoutenables sur les souvenirs des bidasses, alors que film met en scène beaucoup plus de souvenirs précieux d’un pays vécu, qui a existé, et qui existe toujours.
   
 
===Distribution===
 
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Dernière version du 2 décembre 2021 à 20:37

Des hommes , film français et belge de Lucas Belvaux, sorti en 2020

Analyse critique[]

L'histoire est racontée à deux voix : celle de Rabut et celle de Bernard, cousins et anciens appelés de la guerre d’Algérie.

Bernard offre à Solange, sa sœur, une broche de prix pour son 60e anniversaire. Famille et amis sont stupéfaits : Bernard est un ours qui végète et vit sur le dos des autres. On l'accuse vite d'avoir dérobé l'argent caché par sa mère avant sa mort. Il boit et devient furieux, se mettant à insulter Rabut, et surtout Saïd, de manière raciste.

Pendant que la fête continue, Bernard se rend chez Saïd, encore à la fête, agresse sa femme, la bouche toujours pleine d'injures racistes, et tue leur chien. Le maire et les gendarmes décident avec Rabut de le laisser cuver son vin et de le cueillir à la première heure le lendemain. Solange, bien que connaissant ses travers, tente vainement de le défendre.

Ni Rabut ni Bernard, qui se s'aiment pas beaucoup, ne peuvent dormir lors de cette veillée d'armes. Ils voient chacun de leur côté resurgir leur passé commun : la mort de Reine, sœur de Bernard, qui a été odieux avec elle alors qu'elle agonisait, mais surtout la guerre d'Algérie, qu'ils ont faite ensemble durant leurs 28 mois de service, entre 1960 et 1962. Au départ, ils sont dans une région calme et souffrent surtout de l'ennui. Mais la situation se tend peu à peu. Aux exactions des rebelles, qui se battent pour l'indépendance de leur pays, répondent les massacres et les viols des soldats français, dont beaucoup sont sûrs « qu'ici c'est la France » et que le droit est de leur côté. Entre eux, les harkis, rejetés par les rebelles comme traîtres, et par les Français par racisme. Lors d'une permission à Alger, une altercation entre Rabut et Bernard, notamment à propos de la mort de Reine, dégénère et Rabut est assez gravement blessé. Le lieutenant décide de différer le retour à la base pour les attendre, mais à leur arrivée, ils découvrent que tous ceux qui n'étaient pas en permission ont été massacrés, civils compris, suite à la trahison d'un harki qui a fait entrer les fellagas. Des deux côtés, des hommes ont été capables du pire. Rabut, Bernard et les autres ressortent broyés par cette expérience.

Bernard attend avec son fusil. Rabut décide de ne pas participer à l'expédition parce qu'il ne supporte plus ce qu'est devenu Bernard.

L' histoire de la guerre d’Algérie (1954/ 1962) en train de sortir des mémoires vivantes de nos concitoyens, comme les guerres précédentes (1914/ 18 ou 1939/ 45). Certes les scènes de la guerre, atroce, ne sont plus dans la mémoire directe que d’une poignée de nos concitoyens Mais le livre, comme le film, parle essentiellement des souvenirs gravés, enfouis, dans la tête du héros et de ses proches, comme dans Muriel d'Alain Resnais Personne n’a presque jamais parlé de rien.

Ce qui importe ici, c’est de dire ce que fut la vie de toute une classe d’âges, les garçons français nés entre 1928 et 1943 (« rappelés », « appelés », « engagés volontaires »… sans oublier ceux qui avaient la chance de ne pas « y aller » ou craignaient d’y aller bientôt). Et parmi les garçons de ces âges, certains étaient des « sujet français de confession musulmane », futurs citoyens algériens, confrontés aux mêmes peurs (être enrôlés dans l’armée française, déserter, être enrôlés par le FLN ou le MNA).

Peu de jeunes Français doutaient alors de ce que le service militaire soit un passage obligé pour devenir un homme. Ce « service » particulier, dans la violence et la peur, était aussi la découverte des Autres : les notables musulmans, anciens de Verdun, ou les filles pieds-noires. Ou tout simplement dormir avec vue sur la baie d’Alger, avec sa chambre à soi pour la première fois de sa vie.

Ces jeunes hommes n’ont pas dit ce qu’était leur « guerre » sur le moment, mais pas plus pendant de longues décennies. Plusieurs raisons à cela : sur le moment, ils sont tous reliés au monde « normal » quotidiennement, parce qu’ils ont une radio transistor, si bien qu’ils sentent particulièrement clairement que le monde de la peur où ils vivent est « anormal ». Dans les décennies suivantes, où l’obligation du service militaire se transforme complètement pour disparaître ensuite, comment dire aux cadets, puis aux enfants qui sont « coopérants » ou « objos » s’ils veulent éviter le « service », que eux « appelés » n’avaient pas d’alternative imaginable, sauf à déserter ? Comment parler de « ma guerre » (que j’ai perdue et non gagnée) à des anciens qui « ont gagnée » leurs guerres ou à des jeunes qui vivent dans un monde où la guerre a disparu ?

Le livre est beaucoup plus dur que le film, parce que le récit haché donne beaucoup plus de détails insoutenables sur les souvenirs des bidasses, alors que film met en scène beaucoup plus de souvenirs précieux d’un pays vécu, qui a existé, et qui existe toujours.

Distribution[]

Fiche technique[]

  • Réalisation : Lucas Belvaux
  • Scénario : Lucas Belvaux d'après le livre Des hommes de Laurent Mauvignier, paru en 2009
  • Photographie : Guillaume Deffontaines
  • Montage : Ludo Troch
  • Durée : 100 minutes
  • Dates de sortie : 31 août 2020 (Festival du film francophone d'Angoulême)
    • 2 juin 2021 (sortie nationale)

Autres films sur la guerre d'Algérie : http://nezumi.dumousseau.free.fr/film/filmguerrealgerie.htm

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