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Eva (2018) , film français de Benoît Jacquot, sorti en 2018

Analyse critique[]

Ce film est la deuxième adaptation du roman Éva (Eve) de James Hadley Chase, publié en 1945. La première a été réalisée en 1962 par Joseph Losey sous le titre Eva, Eva avec Jeanne Moreau et Stanley Baker . Les deux versions sont assez éloignées du roman et n'en retiennent que les grandes lignes. Pour chacune des versions, c'est surtout les ravages de la passion d'une part, l'étude d'un certain cynisme féminin d'autre part qui retiennent l'attention, plus que l'intrigue policière.

Tout commence assez mystérieusement. Dans des séquences empreintes d’une sensualité vénéneuse , on voit Bertrand, gigolo pas très doué, s’emparer du manuscrit inédit d’un pauvre vieux que son corps aura fait mourir de désir, et que lui Bertrand n'aura rien fait pour sauver. Par une tempête de neige. Eva, troublante et mystérieuse, prostituée sans rides ni émotions, fait irruption dans la vie de Bertrand, devenu écrivain prometteur.

Benoît Jacquot livre une variation sur l’apparence et la perversité, en compagnie de deux personnages qui jouent constamment à ce qu’ils ne sont pas. Bertrand en faux dramaturge à succès, beau et jeune, triche et ne parvient pas à écrire son deuxième roman, car il n'est pas l'auteur du premier.

Eva ne triche pas, même si tous deux avancent masqués, même si pour 300 euros la passe, elle s’occupe des riches avec une indifférence qui frise le dédain. Mais, on l’apprendra vite, c’est par droiture et, d’une certaine façon, par fidélité, qu’elle se livre aux hommes sans jamais se donner .

C’est peut-être la prescience d’une pureté perdue qui pousse Bertrand, l’usurpateur, à revoir cette femme vieillissante qu’il prétend séduire. Et à s’éprendre d'elle, comme si elle allait le sauver de lui-même. Il compte aussi vivre des moments forts qui constitueraient la trame du futur roman qu'on lui réclame.

Fasciné par le sujet, Benoit Jacquot s’écarte de son cinéma habituel, fait de spectacles vivants filmés, de drames naturalistes, d’introspections de femmes tempétueuses, pour un genre hitchcockien, au risque de déconcerter.

Il retrouve Isabelle Huppert et lui confère cette fois-ci un nouveau rôle ambigu, sorte d’icône létale que peut représenter la femme fatale, véritable diamant brut, vénéneux pour l’homme qui s’y frotte d’un peu trop près. Elle est aussi le portrait d’une certaine bourgeoisie déchue, à la vertu à louer, comme pour refaire surface, pas aussi indépendante des hommes qu’elle le prétend au premier abord, puisque c’est bien un homme qui la tient par la laisse, mais pas celui qui est dans la lumière. Huppert, toujours à l’aise dans un cinéma borderline, convoque une légère teinte d’érotisme, d’auto-dérision également, jusque dans les tenues pas toujours très classe qu’affectionne la clientèle. L’actrice joue, avec un détachement presque comique, tout en gardant le voile de mystère qui rend le suspense haletant.

Le personnage masculin central, joué par Gaspard Ulliel, glissant dangereusement entre différents mondes, n’est pas des protagonistes centraux les plus charismatiques et rend même toute identification problématique. Son passé peu reluisant de petit voyou opportuniste, son présent d’usurpateur de carrière, gloire sans talent d’un soir dans un microcosme artistique tout aussi vain, évolue dans des milieux où l’argent dicte sa loi, se joue, se flambe.

Benoît Jacquot déclare : «C’est un film sur l’imposture, non pas tant sur le mensonge que l’on fait aux autres mais sur le mensonge que l’on se fait à soi-même. Ce mensonge devient une sorte de piège, plus on essaie de se tirer de son propre piège, plus le piège se referme.»

Distribution[]

  • Isabelle Huppert : Eva
  • Gaspard Ulliel : Bertrand Valade
  • Julia Roy : Caroline
  • Richard Berry : Régis Grant
  • Didier Flamand : le père de Caroline

Fiche technique[]

  • Réalisation : Benoît Jacquot
  • Scénario : Benoît Jacquot et Gilles Taurand, d'après le roman Éva de James Hadley Chase, paru en 1945
  • Montage : Julia Gregory
  • Musique : Bruno Coulais
  • Sociétés de production : Macassar Productions ; Arte France Cinéma et EuropaCorp
  • Durée : 102 minutes
  • Dates de sortie : février 2018 (Berlinale)
    • France : 7 mars 2018


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