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In girum imus nocte et consumimur igni film français réalisé par Guy Debord, sorti en 1978.

Le film (d'une durée de 95 min) décrit la société de consommation et d'aliénation capitaliste, s'appliquant à mettre en évidence la condition d'esclaves modernes. En plus d'être un des films les plus désinvoltes à l'égard de la société moderne, il livre de manière incisive les quelques étapes de la vie de l'homme qui a, en un an, énoncé les sujets de lutte pour un siècle (hommage à Ivan Chtcheglov), dresse à la fois le tableau affligeant de cette société en guerre contre ses propres possibilités, et l'autobiographie où le regret n'a pas sa place. L'aspect est austère (noir et blanc, utilisation d'images fixes le plus souvent, voix narrative monocorde, écrans blancs durant plusieurs minutes).

Le titre du film est une locution latine1 signifiant : « Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu ». C'est aussi un palindrome (un texte qui se lit dans les deux sens, comme cela est souligné dans le générique du film).

Parmi toutes les critiques artistiques et politiques, celle du cinéma, en tant qu'archétype du « mode d'organisation spectaculaire », va particulièrement intéresser GuyDebord. Ce qu'il vise : l'image en tant qu'entité séparée, qui se donne à voir passivement, qui suspend la vie, qui sépare l'existence de sa puissance d'être, de son autonomie, de sa créativité. Ce qu'il veut : détruire le cinéma en tant que spectacle, marchandise culturelle de masse, aliénation, pour en faire un usage non-spectaculaire. Ce n'est pas un film à contempler mais une situation à vivre. Il casse la relation passive à l'image, provoque. Il s'éprouve collectivement, dans la jubilation ou l'agacement ; il décloisonne, incite à hurler soi-même, à dormir, à se lever pour aller boire un verre, il pousse à parler à son voisin, à penser, se repenser. Il détruit le spectacle et pousse à vivre, dans la réalité. Il crée une situation.

Guy Debord déclare :
« Je ne ferai dans ce film aucune concession au public. Plusieurs excellentes raisons justifient, à mes yeux, une telle conduite ; et je vais les dire. Tout d’abord, il est assez notoire que je n’ai nulle part fait de concessions aux idées dominantes de mon époque, ni à aucun des pouvoirs existants. Par ailleurs, quelle que soit l’époque, rien d’important ne s’est communiqué en ménageant un public, fût-il composé des contemporains de Périclès ; et, dans le miroir glacé de l’écran, les spectateurs ne voient présentement rien qui évoque les citoyens respectables d’une démocratie… »

Le film passe par plusieurs objets.

Le premier objet de l'auteur est son public, ses conditions d'existence, les relations sociales qui découlent de ces conditions d'existence et les raisons qui font que ce public est si lent à les changer. La première image du film, après le générique, présente un public de cinéma faisant face à l'écran. L'auteur replace son public dans son contexte social : il relate ses relations intimes qu'il entretient avec la marchandise, que ce soit dans ce qu'il achète ou dans ce qu'il vit, mais aussi dans sa vie même, puisqu'il doit vendre sa force de travail dans des conditions de plus en plus précaires pour satisfaire aux exigences de cette marchandise. Eux-mêmes utilisés par le pouvoir comme de simples transporteurs de marchandises, ils sont des serviteurs surmenés du vide, vide qui les gratifie en monnaie à son effigie. Une note optimiste, cependant, puisqu'en montrant que le mal dont souffre ce public n'est pas si mystérieux qu'il le croit, et qu'il n'est peut-être même pas incurable pour peu que nous parvenions un jour à l'abolition des classes et de l'État. L'objectif visé est ici de mettre en évidence les conditions d'existence absurdes latentes et inhérentes à l'organisation socio-économique actuelle et on ne peut nier que ce film ait au moins en ceci un mérite .

Le second objet traite du cinéma en tant qu'image qui est le résultat d'une époque et des fausses consciences qui ont grandi sur cette base (:) quel respect d'enfant pour des images ! La critique d'un monde de la représentation sacralisée et des passions exilées s'applique au domaine du cinéma par la dérision amère du statut inactif du spectateur qui se satisfait d' images en place d'actes, qui devrait s'assumer en tant qu'acteur en place de subordonné. Et, de fait, Debord peut annoncer qu'il est capable de faire un film avec n'importe quoi détruisant cette sorte d'adage suivant lequel une vérité si elle n'est pas prouvée par des images aurait quelque chose de dogmatique. Il remarque qu'il aurait été possible de faire autre chose du cinéma que celle qu'il est devenu à travers sa marchandisation, de ce cinéma qui est une représentation ingénieuse à ne rien dire, habile à tromper une heure l'ennui par le reflet du même ennui.

Le troisième objet est ce que l'auteur fait du cinéma : pour ma part, si j'ai été si déplorable au cinéma, c'est parce que j'ai été plus grandement criminel ailleurs. C'est une société qui fait son cinéma, car il aurait pu être ce film qui passe en ce moment. Ce qui revient à remplacer les sujets futiles que compte le cinéma par l'examen d'un sujet important : moi-même. Passe à l'écran une scène où Zorro est en présence d'un moribond qui lui demande : mais avant de mourir, pourrais-je savoir qui vous êtes ? et ce Zorro de dévoiler son visage au mourant, qui trépasse heureux.

Le quatrième objet du film est le Paris d'avant 1968, un Paris où un peuple qui avait 10 fois barricadé ses rues et mis en fuite des rois ne se payait pas d'images. Un Paris humain grouillant de social qui s'est peu à peu désertifié pour devenir finalement une vallée de la désolation et il conclut, laconique, que Paris n'existe plus.

L'objet suivant relate ce que ce Paris a permis à l'auteur de rencontres : un groupe humain commence à fonder son existence réelle sur le refus délibéré de ce qui est universellement établi et sur le mépris complet de ce qui pourra en advenir, ce Paris, cet espace où rien n'est vrai et tout est permis. Défile alors un passage de son premier film Hurlement en faveur de Sade, un écran blanc sur lequel des voix diverses énoncent des phrases pourvues d'une signification immédiate, les unes tirées du Code pénal, d'autres d'ouvrages d'auteurs classiques. C'était alors, dit-il la capitale de la perturbation où on pouvait passer son temps dans une prodigieuse inactivité, ce qui fut ressenti comme menaçant. Dans ce Paris chacun buvait plus de verres que ne dit de mensonges un syndicat durant toute une grève sauvage . Il évoque les filles, la jeunesse, dont la plus belle meurt en prison. C'est dans ce moment et ce lieu importants que s'est posée la question de l'existence du prolétariat et de ce qu'il pouvait bien être. C'est aussi dans cette partie du film que nous est donnée la solution du titre du film : nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu.

Le sixième objet de ce film évoque la naissance de l'Internationale situationniste, après un défilé d'imasge présentant les lettristes et leurs comparses de débauche : puisqu'il n'y avait autour d'eux rien qui fut valable d'être continué, il précise que la seule cause que nous avons soutenue, nous l'avons dû la définir et la soutenir nous-même.

Fiche technique[]

  • Scénario et réalisation : Guy Debord
  • Image : André Mrugalski
  • Montage : Stéphanie Granel
  • Noir et blanc, son mono
  • Assistants réalisateurs : Elisabeth Gruet; Jean-Jacques Raspaud
  • Durée : 100 minutes
  • Date de sortie: mars 1978 (France)


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