L'Amour l'après-midi est un film français d'Eric Rohmer, sorti en 1972.
Synopsis[]
Frédéric, encore jeune et au métier valorisant, mène une vie paisible entre femme et son travail. En réalité, cette fidélité conjugale à laquelle s'astreint Frédéric lui pèse terriblement. Son imagination lui fait rencontrer en rêve quantité de femmes qui s'offrent toutes à lui, presque sans résistance. " Je sens que le mariage m'enferme, me cloître et j'ai envie de m'évader ", songe ce mari modèle dont l'épouse attend, sans rien soupçonner, un second enfant.
Mais un jour, Chloé, une ancienne amie, très belle, revient dans sa vie et tente de le séduire. Chloé a l'habileté de placer leurs relations sur le plan de la camaraderie, sollicite son aide pour emménager, lui parle de son ancien comme de son nouvel amant. Frédéric, dont l'orgueil de séducteur est froissé par l'attitude de la jeune femme, s'attache à celle-ci : il s'arrange pour sortir avec elle, ment à Hélène, bref se comporte comme s'il avait une liaison. Le sentant à sa merci, Chloé part en Italie.
À son retour, elle retrouve un Frédéric tout prêt à abandonner son rôle de père et mari modèles pour devenir son amant. Mais les choses ne se passent pas comme prévu : au moment de rejoindre Chloé dans son lit, Frédéric semble réaliser le ridicule de la situation. Il court rejoindre Hélène; les deux époux font, pour la première fois, l'amour l'après-midi, comme un couple adultère.
Critique[]
Ce film constitue le sixième et dernier tome de la série « Contes moraux ».
On trouve moins d'humour que dans les autres, mais la justesse psychologique est toujours la même. Le personnage de Frédéric est particulièrement savoureux, complexe tout en restant compréhensible. Son rapport aux femmes est notamment passionnant. Il est amusant de voir dans le prologue comment le réalisateur l'a affublé d'une "âme féminine" : sans complexe machiste au point de s'assoir à la place de sa secrétaire, taper à la machine et répondre au téléphone; très à l'aise avec les femmes de son bureau avec qui il n'a pas une relation homme/femme mais une relation neutre; le fait qu'il passe ses après-midi à faire du shopping à la recherche d'un pull, etc.
Mais au-delà de cette caractérisation, c'est toute une réflexion sur la crise de l'homme marié que nous propose Eric Rohmer. Marié, heureux en mariage, il ne peut s'empêcher de regretter l'époque des débuts d'amour, il ne peut s'empêcher de regarder les femmes et de se demander quelle serait sa vie s'il était marié avec elles, avant de se rendre compte que ce serait la même vie... Incapable de passer à l'acte ou plus exactement castré de l'envie de passer à l'acte, il recourt au fantasme, pis-aller suffisant pour rester heureux.
Frédéric se rattrape au bord du gouffre. Alors qu'il s'apprête à rejoindre Chloé, nue dans son lit, il ôte son pull à col roulé : son reflet dans la glace lui rappelle un jeu qu'il a eu, quelques jours plus tôt, avec son épouse et sa fille. Il s'enfuit en courant. Sa course et sa plongée dans l'escalier ne laissent aucun doute : c'est un autre gouffre qui s'ouvre devant lui, celui du regret éternel de ne pas avoir été jusqu'au bout de son désir, d'avoir raté une occasion, de s'être en quelque sorte résigné.
Selon Claire Vassé : "Pour clore la série des Contes moraux, Rohmer quitte la sensualité estivale de La Collectionneuse et du Genou de Claire pour la grisaille de la vie de bureau parisienne. Mais paradoxalement, c'est le conte où il laisse poindre le plus la dimension érotique de son cinéma. Et pas seulement parce qu'il y dénude davantage les corps. Ses personnages, loin des milieux dandys ou artistes des précédents films, badinent moins bien avec l'amour. Mais quand déboule le corps sulfureux de Chloé, les flots de paroles n'arrivent décidément plus à cacher les attraits de la chair. Bien décidée à prendre en charge le récit de son "aventure" avec Chloé, la voix off de Frédéric finit par disparaître. Dans la séquence où il rêve qu'il est en possession d'un médaillon magique, on retrouve les héroïnes des Rohmer précédents. Hormis Béatrice Romand, toutes succombent à ses avances. Un fantaisiste clin d'œil qui en dit long sur l'ambiguïté du système moral de la série. "
La mise en scène est très sobre comme toujours. Eric Rohmer est toujours un réalisateur intimiste. Ce sont les détails qui l'intéressent et qui font avancer l'action, ces petits détails qu'il maîtrise parfaitement et qui rendent ses films pareils à des modèles d'orfèvrerie scénaristique. Certains reprocheront le manque d'histoire, de rebondissements, et le caractère omniprésent de l'analyse psychologique de Eric Rohmer. On répondra qu'il vogue dans les mêmes eaux qu'un Ingmar Bergman, et qu'il est plus difficile d'être juste et complexe sur des situations très communes plutôt que dans des situations extraordinaires.
Distribution[]
- Bernard Verley : Frédéric
- Zouzou : Chloé
- Françoise Verley : Hélène
- Daniel Ceccaldi : Gérard
- Malvina Penne : Fabienne
- Babette Ferrier : Martine
- Françoise Fabian : personnage du rêve
- Marie-Christine Barrault : personnage du rêve
- Haydée Politoff : personnage du rêve
- Aurora Cornu : personnage du rêve
- Laurence de Monaghan : personnage du rêve
- Béatrice Romand : personnage du rêve
Fiche technique[]
- Réalisation : Eric Rohmer
- Scénario : Eric Rohmer
- Production : Les Films du Losange
- Producteur : Pierre Cottrell ; Barbet Schroeder
- Musique originale : Arié Dzierlatka
- Image : Néstor Almendros
- Montage : Cécile Decugis
- Durée : 97 minutes
- Date de sortie : 29 septembre 1972