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Rester vertical , film français de Alain Guiraudie, sorti en 2016

Analyse critique[]

Léo, un réalisateur quadragénaire, sillonne les routes de la Lozère, alors qu'il prépare son nouveau film, qui devrait parler du loup. Peinant à la rédaction de son nouveau script, l'homme parcourt un grand causse de Lozère. C'est là qu'il fait la connaissance de Marie, qui l'amène chez elle. La jeune femme, déjà mère de deux enfants, se rapproche vite de Léo. Celui-ci revient régulièrement la voir. Quelques mois plus tard, ils ont un enfant. En proie au baby blues, et sans aucune confiance en Léo qui s’en va et puis revient sans prévenir, Marie les abandonne tous les deux. Léo se retrouve avec un bébé sur les bras. Celui-ci, au départ décontenancé, apprend à s'occuper de l'enfant.

Alain Guiraudie ne se repose pas sur la recette qui lui a tant réussi avec l'Inconnu du lac. Il explore, il invente, il cherche encore. Tout bouge tout le temps, dans ce suspense existentiel, divaguant sur fond de Lozère, mais aussi, sans transition, jusqu'à la côte Atlantique et dans le marais Poitevin. Léo, le réalisateur errant est un possible double imaginaire de l'auteur , il doit un scénario à un producteur longtemps invisible, mais il ne cesse de fuir. Il voudrait toucher une avance sans pouvoir fournir le moindre début d'histoire.

Sur le Causse, trois hommes plus ou moins gays, un jeune, un mûr, un vieux, croisent régulièrement la trajectoire en zigzag du héros. Les sentiments, les désirs et les aspirations de chacun se transforment à vue d'œil, comme si l'ensemble des personnages pouvaient essayer la totalité des rôles, et qu'importe leur sexe ou leur âge. C'est, par exemple, la jeune mère qui, la première, abandonne le foyer tout neuf avec berceau. Et quand un lourd son de hard rock s'échappe de l'étage supérieur d'une ferme, après vérification, il s'agit de la passion musicale d'un vieillard.

Entre inquiétude et utopie, Guiraudie filme les gays, les ruraux et les clodos, mais aussi le cycle complet de la vie, de la naissance à la mort. Nourrisson, ado, adultes et mourants sont logés à la même enseigne, à la fois hyperréaliste et lyrique. Les joies de la chair et celles de l'enfantement répondent à la hantise de la pauvreté et de la violence. L'euthanasie ardemment souhaitée par un vieux monsieur se confond, selon son vœu le plus fou, avec un orgasme.

En suivant la logique des rêves, parfois des cauchemars, Rester vertical abonde en rebondissements stupéfiants, mais sans hermétisme ni provocation. Le cinéaste, issu d'une famille d'agriculteurs, bricole ainsi des remèdes bienveillants à l'isolement et aux déboires des paysans, et pas seulement. Le loup, qui menace moutons et éleveurs sur le causse, fournit une métaphore lumineuse de bien des terreurs actuelles. Pendant la plus grande partie du film, on ne parle que d'éliminer coûte que coûte l'animal sauvage. Et, finalement, émerge cette sagesse qui suggère de combattre d'abord la peur elle-même.

La sexualité, plurielle et libre, est l’un des moteurs du film. Elle anime les personnages, oriente leurs interactions et les révèle à eux-mêmes. Le désir anime Leo d’entrée de jeu. Etourdi par Yoan, il l’est aussi par Marie. Libre et gourmand, Leo répond à ses pulsions, Leo est tout à la fois père, mère et enfant. Cette liberté, Alain Guiraudie la sublime à travers son approche esthétique tout en soulignant les peurs qu’elle engendre; il la fait avant tout sienne quitte à étourdir le spectateur ; à le confronter à ce qu’il ne veut pas voir, à ce qu’il réprime ou à ce que la société condamne. Il filme la sexualité sans détour mais avec sensualité.

À la grammaire singulière de l’écriture, répond celle d’une réalisation parfaitement maîtrisée . La photographie est d’autant plus éblouissante que ses modulations, ses ondulations hypnotisent, en se fondant au regard de Leo ou conduisant à l’observer afin de mieux partager son trouble. Alain Guiraudie parvient à mettre en place autant d’univers qu’il n’y a de personnages. Le caractère brut des échanges, émanant d’un réalisme cru et direct, subjugue. Source de caractérisation des personnages, les dialogues garantissent de nombreux rires tant leur caractère direct transcende leur naturel.

« Le film ne dit pas si Léo réussira à rester vertical, mais confirme qu’Alain Guiraudie est lui bien droit dans ses bottes de cinéaste. Avec ce film, il récapitule tout son travail (des gueux aux baigneurs du lac, du roi de l’évasion aux vieux rêves qui bougent encore un peu) et gagne en ampleur tranquille, en intensité inquiète, en beauté dépouillée, travaillées par de puissants échos de western comme par d’éternels et archaïques mythes bibliques. Sûr de son cinéma mais en questionnement permanent sur l’état du monde, Guiraudie est à l’image de ce virage de montagne qui revient plusieurs fois dans son film, figure routière et cinématographique qui synthétise à merveille le mélange entre distance et hauteur. »
Serge Kaganski, Les Inrockuptibles, 12 mai 2016

Distribution[]

  • Damien Bonnard : Léo, le scénariste
  • India Hair : Marie
  • Raphaël Thiéry : Jean-Louis, le berger, père de Marie
  • Christian Bouillette : Marcel, le vieux
  • Basile Meilleurat : Yoan, le jeune qui vit chez Marcel
  • Laure Calamy : Mirande

Fiche technique[]

  • Réalisation et scénario: Alain Guiraudie
  • Photographie : Claire Mathon
  • Montage : Jean-Christophe Hym
  • Production : Les Films du Worso
  • Direction de production : Nicolas Leclère
  • Durée : 98 minutes
  • Dates de sortie : 12 mai 2016 (Festival de Cannes 2016), 24 août 2016 (sortie nationale)


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