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Sans toit ni loi film français d'Agnès Varda sorti en 1985.

Analyse critique[]

Du passé de Mona, Varda ne dit rien, à l’exception de quelques informations sorties de sa propre bouche. Titulaire d’un bac technologique option secrétariat, elle a été employée dans des bureaux avant de décider de couper tout pont avec le monde du travail, ses petits chefs emmerdeurs et la société en général. De sa famille, nulle indication, ni de son ancien réseau d’amis et de connaissances. Mona erre sur les routes de France et n’est guère causante, n’entretenant de contacts furtifs qu’avec des agriculteurs locaux à qui elle demande un peu d’eau, des allumettes, un job, ou alors des squatteurs de son âge aussi perdus qu’elle.

Au fil de ses rencontres, Mona sera amenée à côtoyer des personnalités singulières. C’est le cas de ce berger diplômé, se voulant marginal mais qu’elle trouve trop donneur de leçons, ou de cette universitaire la prenant en stop ( Macha Méril), débordante d’humanité et de bienveillance à son égard mais culpabilisée à l’idée de n’avoir pas su la sortir de sa condition. Mais jamais le ton n’est mélodramatique et Varda ose même des situations comiques, telles les digressions concernant une domestique (Yolande Moreau) chargée de s’occuper d’une vieille châtelaine.

Le film, dédié à Nathalie Sarraute, consiste en une sorte d'adaptation, au cinéma, d'un genre littéraire, le « nouveau roman ». Pour respecter les doctrines prônées par le mouvement Agnès Varda choisit un ton d'une absolue neutralité. Clinique, le jeu d'acteur est quasiment absent du film, on parle plus que l'on ne joue ; on récite le texte plutôt que de le vivre. Ce qui rend la caméra de Varda extrêmement objective, presque mathématique. La multiplication de séquences de très courte durée permet un récit limpide, où l'essentiel est substitué au fard superficiel. Varda, qui cherche la maîtrise de l’expressivité, réussit à inventer des formes qui transmettent directement, plastiquement, le sens d’une expérience humaine.

La construction du film est remarquable, une série de retours en arrière permettant aux différents témoins protagonistes de s’exprimer face à la caméra, éclairant le cheminement tragique de Mona. De longs travellings suivent sa route, et le montage permet de croiser plusieurs personnages dans un nœud de hasards et coïncidences, l’ex-étudiant de l’universitaire, s’avérant être également le neveu de la vieille dame. Le recours à des comédiens non professionnels, souvent recrutés dans des villages, pour incarner les seconds rôles, crée une double et paradoxale sensation d’authenticité et de distanciation.

Sandrine Bonnaire, qui n’avait pas 18 ans, décroche à son 6e film le César de la meilleure actrice quelques mois après le triomphe du film au Festival de Venise où il remporta le Lion d’or. Elle incarne une jeune femme qui reste mystérieuse, présente mais illisible par quiconque. C’est qu’il n’y a rien à lire que cette présence et les lieux qu’elle traverse, toute interprétation de sa vie par ceux qui la croisent équivalant au malaise de la société devant ces deux valeurs asociales, liberté et saleté. Le destin de Mona, c’est la pure expressivité sans loi, sans langage.

La sortie du film a lieu dans le contexte historique de la France inégalitaire des années 80, avec ses anciens soixante-huitards convertis aux vertus du marché mais aussi ses nouveaux pauvres, mi-clochards, mi vagabonds, que l’on appellera par la suite « sans domicile fixe », euphémisme politiquement correct. Le taux de chômage, même faible commence à grimper et Coluche développe les Restos du cœur, la logique associative et caritative prenant le relais d’un État-providence remis en cause. La désaffiliation volontaire et progressive de Mona met en exergue la difficulté de cohésion d’une société créant désillusion et déclassement chez les jeunes. La fuite en avant de Mona, sans but et sans projet, est l’histoire d’une jeune femme qui survit et n’attend plus rien.

Distribution[]

  • Sandrine Bonnaire : Mona Bergeron, sans toit ni loi
  • Setti Ramdane : le marocain qui la trouve
  • Pierre Imbert : le garagiste
  • Yolande Moreau : Yolande, sa bonne
  • Macha Méril : la platonologne Mme Landier
  • Stéphane Freiss : Jean-Pierre, ingénieur agronome

Fiche technique[]

  • Réalisation : Agnès Varda
  • Scénario : Agnès Varda
  • Montage : Agnès Varda, Patricia Mazuy
  • Photographie : Patrick Blossier
  • Musique : Joanna Bruzdowicz, Fred Chichin
  • Production : Oury Milshtein
  • Durée : 105 minutes
  • Date de sortie : 4 décembre 1985

Distinctions


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